samedi 14 janvier 2012

13. Indigènes


Le Père se souvient encore du mot "indigène" et qu'on disait "les indigènes d'Afrique du Nord".

Le Père dit qu'en 39-45, en Algérie, il n'y a pas eu de participation de la population à un génocide des juifs d'Afrique du Nord.

Le Père dit qu'il s'est vu attribuer pendant deux ans, par le régime du Maréchal, une carte d'identité portant la mention : "juif indigène". 

Le Père n'aimait pas le mot "indigène" et Sara n'aimait pas ce mot non plus. Ils auraient voulu qu'on ne désigne plus personne ainsi. 

Il y a des mots qu'on finit par maudire pour se protéger de leur malédiction. 

Pourtant "indigène" veut seulement dire "natif d'ici", ce qui pour le Père et Sara était strictement exact. 

Je me souviens des mots "français à part entière" qui avouaient que certains étaient français à moitié, ou au tiers, ou pire encore. 

Je me souviens de quelques idéalistes qui s'installaient sur les lignes de démarcation imaginaires, sur les frontières tracées à notre insu. 

Au décours d'un conflit à propos du massacre des arméniens, l'homme d'état turc Erdogan accuse l'état français d'avoir commis le crime de génocide en Algérie.

Le débat sur la question du génocide et de sa définition n'est pas neuf. 

Algérie 1962-2012. Cinquante ans déjà. Te souviens-tu encore ? 

Elle se souvient. Avant l'oubli viennent les métamorphoses du souvenir.




(à suivre...) 


LB