lundi 12 mars 2012

57. Accouchements


Je lis dans "Le premier homme", les mots rue Bab Azoun.
Sara dit qu'elle a accouché de tous ses enfants à la clinique de la rue Bab Azoun.

La rue Bab Azoun est une des rares rues qui portait un nom en langue arabe. Autrement, il y avait Bab el oued, la porte de la rivière.
Une clinique au nom de porte disait Sara, c'est bien pour accoucher.
En réalité, Sara était terrifiée à l'idée d'accoucher et de souffrir en accouchant.
Sara était effrayée par tout ce qui touchait au corps et à la nudité.
Sara venait du Village des Asphodèles, pour accoucher dans cette Clinique de la rue Bab Azoun où exerçait le Cousin du Père.
Elle s'y sentait en sécurité et ils feraient une anesthésie générale légère au moment du passage de l'enfant par la porte de la vie.
Sara ne disait à personne que c'était pour ne pas avoir à supporter de voir qu'on la vit en sa nudité.
Sara ainsi s'absentait au moment précis de la naissance de ses enfants.

(à suivre...)
LB

56. Camus (2)


Jeanne lisait d'Albert Camus, "Le premier homme" et les phrases s'enroulaient des souvenirs l'un dans l'autre emmêlés. Jeanne voyait bien qu'il ne s'agissait ni de l'histoire du Père, ni de celle de Sara.
Albert Camus était-il comme Cormery, le héros, fils d'un de ces conquérants dépenaillés et fugitifs qui échappaient aux prisons de l'Empire.
Albert Camus était-il comme Cormery fils d'une fille de ces familles mahonaises embrigadées pour créer un peuplement "français" en Algérie.
Voilà ce que l'école de la République cachait à chacun et voilà comment ce secret créait en chacun la Légende du Premier Homme.


Le Père disait, il y a la Guerre des armes et la Guerre de papier.

Jacques Cormery, l'enfant héros du Premier homme est pupille de la nation, pour avoir perdu son père pendant la guerre de 14-18.

Pupille de la nation, comme devait l'être Camus et comme l'était le cousin du Père, qui ainsi avait pu devenir médecin.

Je me souviens de cette expression pupille de la nation : elle menait à l'idée que, pour une mère, son enfant était la prunelle de ses yeux.

(à suivre...)
LB 

55. La communion


Je me souviens qu'au mois juin, parfois une petite fille entrait dans la classe vêtue d'une robe de dentelle blanche semblable à une mariée.

Elle avançait dans le silence qui, soudain, se faisait, jusqu'au bureau de la maîtresse qui l'embrassait.


La petite fille donnait les dragées à la maîtresse qui l'embrassait une deuxième fois et la reconduisait à la porte, solennellement.


C'était le mois des communions solennelles. On aurait cru une cérémonie, un peu de religion entrait dans le temple de la laïcité.


Personne ne s'en offusquait, et j'en étais quitte pour éprouver quelques minutes de jalousie dont je ne savais que faire.


(à suivre...)
LB

54. L'instituteur


L'instituteur était le haut lieu des contraires, le point culminant de la contradiction insoluble. Cependant, le Père essayait.

Sa classe lui semblait une île protégée de la Guerre qui ne disait pas son nom. En vérité, elle était le coeur même de son combat.

Dans le Village du Bord de Mer, il voyait chaque matin les enfants arriver, et remplir la classe.

Il devait apprendre à lire à des enfants de sept ans qui ne parlaient pas la langue qu'ils devaient lire, lui, ignorant leur langue.

Le Père admirait Sara autant qu'il l'aimait, il l'admirait de parler la langue que parlait les enfants de la classe, et l'enviait en secret.

(à suivre...)
LB 

53. Le village de Sara


Lila dit, sais-tu, le village où est né Sara semblait porter le nom d'un saint, mais c'était un diable au nom de saint.

(à suivre...)
LB