Lila dit, il y a une archéologie de la Guerre, ces hommes qui cherchaient leur
avenir, malgré le mépris ou les roueries du colonisateur.
Lila dit, il faudrait écrire une archéologie des
discours, il faudrait lire ce qu'avant les déflagrations de
l'Europe, ces hommes pensaient.
Lila dit, il faudrait lire ce que l'état colonial leur
répondait.
Lila dit, il faudrait lire les débats à l'Assemblée, sur les
nationalités et l'octroi de la nationalité française en Algérie avant 1939.
Lila note, 1840, Leblanc de Prebois,
"De la nécessité de substituer le gouvernement civil au militaire pour la
victoire de la colonisation".
Chaque pierre, chaque parcelle, chaque
habitant de ce pays était marqué du sceau de l'injustice qui l'avait fondé, aucun moyen d'y échapper.
Jeanne disait à Lila que le chemin
vers la connaissance du fait colonial passait inévitablement par la
honte.
Jeanne disait à Lila que le système colonial
insufflait en chaque enfant qui naissait en ce pays la part d'injustice qu'il
devrait porter.
Jeanne disait que le système colonial était fait de
papiers qui règlementaient les inégalités de droit, traçaient les frontières invisibles.
Jeanne disait à Lila que l'état français avait mis un
siècle à tisser ce maillage mortifère, par la guerre des Armes et la guerre de Papier.
Jeanne disait à Lila, quand tu
naissais dans ce pays, pour ne pas avoir à vivre de l'injustice,
il aurait fallu cesser de respirer.
LB