dimanche 10 juin 2012

92. Cité du Bonheur



L'appartement devenait une prison où Sara savait que les idées du Père les avaient peu à peu enfermés.


Dans la Cité du Bonheur, l'appartement lumineux était devenu une prison où Sara savait que les idées du Père les avaient peu à peu enfermés.


Seuls la famille de la speakerine de la Radio arabe et les Redouane saluaient encore Sara dans l'escalier.

Les voisins du Rez de Chaussée allaient en ville manifester à l'appel des Généraux et frappaient sur les casseroles quand il fallait. 

Deux des appartements s'étaient vidés, les Santillon et les Lanet étaient répartis en France d'où ils étaient récemment venus.
On n'entendait plus Monsieur Lanet jouer interminablement sur son piano "On a volé la bague à Jules" et sa fille ne venait plus pour le goûter. 
L'immeuble pourtant avait vu se côtoyer les parfums de l'huile d'olive, de l'huile d'arachide et ceux de la cuisine au beurre.

Mais Sara savait que les méthodes de cuisson elles-mêmes étaient maintenant atteintes par la hiérarchie et les lignes de fracture coloniale.
Avant leur départ, les Lantillon avaient commencé à se plaindre de l'odeur de l'huile d'olive.
Sara elle, prétendait que le beurre diffusait un parfum bien plus fort et que seule l'huile d'arachide avait la vertu d'être parfaitement inodore.
L'huile d'arachide ne pouvait déranger les voisins. Pour en être plus sure, Sara fermait la porte de la cuisine et, de surcroit, celle du couloir.

On en avait fini depuis longtemps avec les échanges d'assiettes de gâteaux pour Pourim ou L'Aid.
On n'allait plus chercher le sucre, le verre de farine ou l'oeuf qui manquait.

(à suivre...)
LB