Larbi relit
12. Les essais nucléaires
Je me
souviens que des essais nucléaires avaient lieu dans le Sahara et qu'ils ont
continué quatre ans après l'indépendance.
Sara se
souvient de Reggane.
Reggane :
un mot, comme un nom de femme.
Maintenant,
ils font des joutes oratoires, mais seuls nos souvenirs sont vrais. Nous savons
exactement ce qui s'est passé.
Sara dit :
nous savons exactement ce qui s'est passé, parce que nous y étions. Je le dis,
les mots faisaient partie de la machine de guerre.
Dire que la
guerre n'était pas une guerre faisait partie de la guerre.
C'était la
guerre même. Faire la guerre en le niant.
Je me
souviens, la Radio y aidait, les mots de la Radio excluaient l'idée de guerre.
C'est comme
les essais nucléaires, ils supposaient que personne ne vivait dans le Sahara,
qu'un essai nucléaire ne concernait donc personne.
Alors, Larbi écrit à Jeanne.
Reggane: un mot comme un nom de femme.
Chère Jeanne, ma première lecture a omis ce passage: la mémoire est
sélective. Maintenant, un souvenir me revient : en couvrant le
Sboû de Timimoune, en 1993, (vous savez, ou peut-être ne savez-vous pas, ce
sont des fêtes de commémoration de la naissance du prophète Mohamed, une
tradition ancestrale qui témoigne de la cohésion sociale et spirituelle des Zénètes). J'ai fait, dans le Gourara, la boucle
Adrar - Timimoune - Reggane et suis passé par tous les petits villages
alentour. Le lieu est loin d’être vide d’habitants. Bien sûr, je n’ai pas pu
aller jusqu’au tombeau de Tin Hinan, la reine qui a inspiré Pierre Benoît pour
créer le personnage d’Antinéa dans
l’Atlantide. C’est bien plus au sud. Son tombeau a été découvert par des
archéologues en 1925 et son squelette a été transporté au Musée du Bardo à
Alger. Son nom veut dire « elle qui se déplace » ou « celle qui vient de
loin ».
Je me souviens d’Azzedine Meddour et de son documentaire "Ô combien
je vous aime", il y est question de la première bombe
atomique française au Sahara et des cobayes humains de cette région du
Gourara exposés aux rayonnements de l'explosion et aux poussières radioactives.
Je ne parviens pas à retrouver la vidéo de ce film qui, dans les années
80, a fait grand bruit et qui a permis la reconnaissance de l’existence de ces
populations cobayes par les autorités militaires françaises.
Il y a des faits que l’histoire officielle tente d’oublier. Oui, Jeanne,
nos gouvernants ont accepté - c’était dans la balance des négociations d’Evian - la poursuite, pendant les cinq ans qui suivraient l'indépendance, des essais nucléaires dans le Sahara.
(à
suivre...)