Je me souviens de la maison de Samuel et Sara à Saint Démon.
Je me souviens de la maison de Samuel et Rachel dans le village
de Saint Démon.
Je me souviens qu'on pouvait aller seuls jusqu'à la place du
village, pour acheter quelques sous de bonbons chez l'épicier.
Je me souviens que c'était comme partir à l'aventure, s'enfoncer
dans une forêt profonde ou goûter à la liberté qui allait sûrement
advenir.
Je me souviens que la maison de Saint Démon qui avait abrité
l'enfance de Sara et de ses onze frères et soeurs me semblait immense.
Sara disait que c'était une ancienne clinique et que la maison
tenait de cette fonction passée son plan en croix.
Je me souviens que deux portes à deux battants s'ouvraient
devant sur un jardin et à l'arrière sur une cour.
Je me souviens du perron et que tous s'asseyaient sur ses
marches par ordre de taille et posaient pour la photo.
Je me souviens du lilas qui fleurissait à Pâques quand nous
allions Sara, le Père, la sœur, le frère et moi à Saint Démon.
Je me souviens des enterrements solennels de sauterelles,
escargots et coccinelles dans des boîtes d'allumettes Le Jockey.
Je me souviens que Pierre nous apprenait à transformer les
boîtes d'allumettes en noirs cercueils capitonnés de brins d'herbes et de
fleurs.
Je me souviens qu'on pouvait faire du patin à roulettes dans le
couloir traversant de la maison.
Je me souviens que lorsqu'il pleuvait, les enfants étaient
autorisés à courir et jouer dans le couloir traversant la maison.
Je me souviens que c'est Pierre qui, revenu un beau jour de Paris
pour les fêtes de Pâques, sillonnait le couloir sur ses patins tout neufs.
Je me souviens que Pierre n'était plus le même, il avait un drôle
d'accent et d'autres manières, et je me souviens qu'il m'avait oubliée.
(à suivre...)
LB