A Bab el Oued, l'immeuble de la rue du Résistant Sans Grade était près de
l'avenue où passait les tramways, une petite rue perpendiculaire.
Louise et David habitaient au numéro 5 et au cinquième étage
dans le deux pièces, avec leurs quatre enfants.
Là que le Père avait grandi, là dont le Père partait pour aller
dormir chez une tante mieux logée quand le petit dernier est né.
Là que Louise est restée avec ce dernier fils après la mort de
David et le départ progressif des plus grands.
Là que Louise, ayant perdu la vue, pouvait se déplacer sans aide,
dans cet appartement dont elle connaissait chaque espace et chaque
recoin.
Là qu'elle était assise des heures à faire de petites pâtes, les
roulant une à une entre pouce et index, les laissant tomber sur un
plateau.
Parfois, elle s'arrêtait pour évaluer les quantités et avec la
paume de sa main enfarinée, elle faisait rouler les petites formes
oblongues.
Elle avait la tête dressée comme pour regarder au loin droit
devant elle. Cela lui donnait un air de grave méditation.
La fabrication des pâtes se trouvait parée d'une étrange
solennité. Quand le plateau était plein, il fallait encore les faire sécher.
C'est là, au 5 Rue du Resistant Sans Grade, au cinquième étage
de l'immeuble, non loin du tramway, que j'ai su la haine de Louise pour
Sara.
C'est là que le Père et Sara ont dû habiter entre la maison du
Village au Bord de L'eau et la Cité sur les Hauteurs de la Ville Blanche.
Je me souviens avoir entendu Louise calomnier Sara en son
absence.
Là, a commencé une petite guerre en famille au beau milieu de
la Guerre qui ne disait pas encore son nom.
Sara se souvient et dit : devant tous, toute petite, tu as répété tous les mots
blessants. La construction de la Cité sur les Hauteurs n'était pas achevée.(à suivre...)
LB